Revue

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Des choix collectifs majeurs

Cet article fait partie de la revue Futuribles n° 450, sept.-oct. 2022

Dans un très bel article « Démographie et refus de voir », publié voici plus de 40 ans [1], Alfred Sauvy écrivait que le vieillissement démographique était « le phénomène le plus sûr, le plus ancien, le plus facile à mesurer, le plus facile à prévoir… », même si ses conséquences économiques, sociales et politiques, voire les questions morales et philosophiques qu’il soulève peuvent être diversement appréciées. La revue Futuribles en a souvent traité. Nous y revenons aujourd’hui sous plusieurs angles, en particulier celui des nouvelles perspectives démographiques publiées par l’Institut national de la statistique et des études économiques, et celui des progrès scientifiques accomplis sur la compréhension du processus physiologique du vieillissement et des pathologies qui y sont liées. Alain Parant présente les conclusions des dernières projections démographiques pour la France à l’horizon 2070, élaborées sur la base d’une fécondité qui s’est sensiblement affaiblie ces dernières années. Selon les hypothèses de fécondité, mortalité et de migrations, à l’horizon 2070, la population de la France pourrait varier de 58 à 79 millions d’habitants. Mais malgré cette incertitude non négligeable, le vieillissement, appréhendé à l’aune de la part des 65 ans ou plus, des 75 ans ou plus et des 85 ans ou plus dans la population, semble inévitable et risque d’être bien plus prononcé que dans les projections précédentes. Cette tendance, écrit Alain Parant, est porteuse de risques problématiques : dérive gérontocratique, accroissement des dépenses sociales de retraite et de santé, déclin de la population d’âge actif (15-64 ans) dont le taux d’emploi demeure par ailleurs faible au regard des pays voisins… Cette analyse est confortée par l’article de Magali Barbieri sur l’évolution de l’espérance de vie, qui en expose les progrès par âge selon les causes principales et conduit à se poser une question majeure, qui intéresse tous les pays confrontés au même phénomène : peut-on soigner le vieillissement, voire éradiquer ou ralentir les pathologies liées à l’âge, notamment les maladies neurodégénératives ? Jean-Pierre Henry nous présente sur ces deux sujets un état des recherches scientifiques les plus récentes qui révèlent que, si le processus du vieillissement est désormais mieux connu et si les cellules déterminantes paraissent éventuellement « manipulables » (non sans risque), les gains en termes de longévité restent plus qu’aléatoires. Vaincre la mort, comme le rêvent certains futurologues, n’est pas ici sérieusement envisagé et vieillir en bonne santé sans souffrir de maladies neurodégénératives (Parkinson, Alzheimer, Charcot…), bien qu’on en connaisse mieux les signes et peut-être les causes, n’est pas non plus pour demain. Nous verrons dans notre prochain numéro comment donc la société peut s’adapter aux défis collectifs du vieillissement. Accompagner le vieillissement en favorisant l’accroissement d’une espérance de vie en bonne santé passe notamment par l’accentuation des efforts consacrés à l’amélioration de la qualité de notre environnement, à commencer par la lutte contre le changement climatique et contre la disparition de la biodiversité, un thème cher à la revue Futuribles sur lequel les discours se multiplient sans que les actes, notamment des pouvoirs publics, soient à la hauteur des enjeux. Le « désir d’écologie » en France reste orphelin, écrit Jean Haëntjens, « l’écologie politique n’est pas parvenue à s’imposer, […] comme une alternative aux autres courants politiques » de manière concrète, innovante et motivante. Prenant appui sur quelques expériences locales, il explore comment celles-ci pourraient être transposées à plus grande échelle – sous réserve que le défi énergétique, sous l’effet du contexte géopolitique, n’entraîne pas une remise en cause durable des priorités accordées à l’environnement… Cette articulation entre exigences de court et de long terme est au cœur de l’élaboration des politiques publiques. Il faut saluer le travail fait par France Stratégie dans son rapport Soutenabilités ! Orchestrer et planifier l’action publique, dont Johanna Barasz et Hélène Garner présentent ici les idées maîtresses. Comment prendre en compte l’avenir, faire en sorte de respecter les différentes soutenabilités qu’imposent les transitions écologique, démographique, technologique…, tout en s’inscrivant dans des démarches démocratiques, délibératives ? Un vaste programme assurément nécessaire, ambitieux et motivant ! Encore faudra-t-il le traduire pleinement dans les faits sans trop tarder, avant que l’État ne soit totalement discrédité… Le sommaire de ce numéro 450 contient d’autres contributions tout aussi éclairantes, comme celle de Marie Ségur sur la résistance à la surveillance numérique, le « Repères » d’Antoine Le Bec sur la stratégie énergétique de l’Union européenne ou la chronique de Jean-Francois Drevet sur la « résurrection » de l’Alliance atlantique.

[1] In L’Enjeu démographique, Paris : éditions de l’Association pour la recherche et l’information démographique, 1981.
#Politique économique. Politique sociale. Planification #Transition écologique #Vieillissement de la population
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