Qu’est ce que la prospective ?
À quoi sert la prospective ?

Six grands besoins peuvent être à l’origine d’une démarche de prospective.

1. Disposer de grilles de lecture sur les grands changements

Ce besoin est à l’origine de la plupart des travaux prospectifs disponibles en accès libre. Les plus connus sont sans doute les rapports réalisés par le National Intelligence Council sous le titre de Global Trends (dernier en date : Global Trends 2040, mars 2021).

Des instances européennes (Commission et Parlement), gouvernementales (France Stratégie, l’IRES au Maroc, etc.) et de nombreuses organisations privées et think-tanks en produisent également ; les rapports ou les articles de la revue Futuribles s’inscrivent dans ce champ.

L’objectif affiché est de fournir des grilles de lecture pour comprendre et anticiper les grandes transformations du monde contemporain, et pour s’y préparer. Mais nombre de ces travaux ont également une vocation d’influence.

2. Anticiper les risques grâce à des dispositifs de vigilance et d’alerte

La plupart des organisations ont besoin d’anticiper les risques importants pour leurs activités. Ces travaux supposent d’identifier les événements critiques qui peuvent survenir, d’estimer leur temporalité et probabilité d’occurrence, et bien sûr d’étudier en retour la vulnérabilité de l’organisation.

La méthode prospective peut alors être développée pour structurer des dispositifs d’anticipation et de gestion des risques. Des dispositifs permanents de veille prospective sont notamment développés dans les organisations dont le cœur de métier est la gestion de risque (sécurité intérieure et extérieure, agences sanitaires, assureurs), mais aussi dans celles qui souhaitent limiter leur exposition aux risques (entreprises, territoires, etc.) ou se préparer à y faire face.

La prospective permet alors :

  • d’identifier des événements ou situations critiques;
  • d’estimer leur temporalité et leur probabilité d’occurrence;
  • d’étudier la vulnérabilité de l’organisation;
  • de préparer les voies de réponses appropriées.

À titre d’exemple, on peut citer le travail de CNP-Assurances sur les risques émergents à l’horizon 2035.

3. Préparer les réponses à une question stratégique précise

Nombre de questions stratégiques supposent une réflexion structurée sur l’avenir : quel est le contexte et quels sont les besoins à long terme, les choix possibles, leurs impacts ?

C’est particulièrement le cas quand la décision engage durablement l’avenir d’une collectivité humaine : ce peut être en matière d’infrastructures (aéroports, tunnels, routes, lignes à grande vitesse, fibre, etc.), de mise en place de systèmes de protection sociale ou de politiques éducatives, ou lors de choix d’investissements opérés par des pays, des territoires ou des entreprises.

Trop souvent des décisions lourdes de conséquences sont prises à partir de diagnostics partiels, reposant sur des données passées, sans vision systémique ou prospective. Aujourd’hui, l’utilisation de la prospective intègre souvent un volet participatif qui permet d’associer les parties prenantes à la préparation des décisions.

Exemple : la concertation mise en place autour de la ligne à grande vitesse PACA.

4. Refonder la vision, les objectifs ou la stratégie globale

La plupart des organisations (entreprises, associations, territoires, administrations, etc.) ont besoin de structurer des éléments de vision et de stratégie qui guident les actions qu’elles entreprennent au jour le jour.

Cette vision consiste alors à définir (ou redéfinir) des ambitions et objectifs qui prennent en compte les potentialités de l’organisation, en pleine cohérence avec les évolutions possibles de son environnement. Elle peut aussi proposer une représentation de l’organisation, de ses missions et parties prenantes dans le temps.

La stratégie qui découle de cette vision comprend alors les voies et moyens de parvenir à ces objectifs. Elle peut être plus ou moins planifiée selon les cultures d’organisation, leurs secteurs d’activité et contextes d’intervention.

Les démarches de prospective doivent donc permettre de structurer la réflexion collective sur les évolutions possibles du contexte, mais aussi d’aborder les évolutions possibles de l’organisation pour mettre en lumière les enjeux et marges de manœuvre, et ainsi de préparer les décisions (adaptations nécessaires, paris stratégiques, etc.). Là encore, la prospective intègre souvent un volet participatif qui permet d’associer les parties prenantes à la préparation des décisions.

Exemples : dans le champ des politiques publiques, la Finlande fait figure de référence, par les dispositifs qu’elle a mis en place pour introduire la réflexion prospective dans l’élaboration de ses politiques publiques. C’est aussi le cas aujourd’hui de Singapour, de la Grande-Bretagne, ou de collectivités territoriales comme la région Pays de la Loire, ou la ville de Loos-en-Gohelle. Le Sénat en France a également développé depuis 2009 une Délégation à la prospective.

De nombreuses associations (la Croix-Rouge française, les Restos du cœur par exemple), associations professionnelles (voir par exemple les travaux des vétérinaires anglais, français), entreprises développent également ces approches.

5. Stimuler ou susciter les innovations

La prospective est de plus en plus sollicitée pour favoriser l’innovation (entrepreneuriale ou sociale), et ce, de deux façons distinctes mais complémentaires :

De façon traditionnelle, les démarches prospectives sont utilisées pour stimuler l’innovation dans des organisations, car elles aident à la structuration de futurs imaginaires, mais crédibles, dans lesquels les acteurs peuvent se plonger pour réévaluer leur portefeuille d’activités et imaginer de nouveaux produits ou services.

De façon plus contemporaine, elle peut aider les acteurs à trouver des réponses satisfaisantes à des défis nouveaux face auxquels ils ne sont pas nécessairement armés. La démarche prospective peut alors contribuer à qualifier les nouveaux enjeux dans des dispositifs collectifs qui associent différents acteurs a priori parties prenantes des solutions envisagées.

Exemple : il n’existe pas un unique acteur qui soit en mesure de proposer seul une solution clef en main pour mettre en place un système de mobilité neutre en carbone dans un territoire à l’horizon 2050. En revanche, que des collectivités territoriales, des constructeurs automobiles, des usagers, des entreprises du numérique réfléchissent ensemble aux différentes évolutions possibles peut permettre de stimuler l’émergence de solutions à la hauteur des enjeux.

La démarche prospective offre aussi un cadre pour penser ensemble aux grandes transformations à venir et construire une culture propre à l’éclosion d’initiatives.

Exemple : Michelin a développé un écosystème d’innovation s’appuyant sur des communautés d’intérêt qui se structurent souvent autour d’une méthode de travail prospective.

6. Développer et valoriser les capacités d’anticipation et d’émancipation d’un collectif

Dans ces approches, la démarche prospective vise moins à « produire » un livrable, une stratégie, qu’à être la source d’un apprentissage individuel et collectif.

Dès le début des années 1990, on se rend compte que les personnes qui participent aux travaux de prospective renforcent un apprentissage sur le contenu des sujets sur lesquels elles travaillent (« langage commun », connaissance partagée), mais apprennent aussi à se départir des représentations immédiates (notamment craintes ou espoirs non fondés) et développent une agilité à travailler sur l’avenir, à se projeter, à imaginer des solutions nouvelles.

L’état d’esprit et les facultés développées sont ici premiers. On assiste à « un remaniement des représentations » (Jean-François de Andria, directeur du Plan et de la Stratégie de Renault dans les années 1990), à une compréhension plus profonde de l’environnement et de l’organisation par les participants, à une expression des attentes et des préférences des parties prenantes.

Depuis les années 2000, la prospective comme moyen d’apprentissage et d’émancipation se développe, renouant avec les approches initiales de la prospective proposées par François Villon ou Gaston Berger (cf. question « Qu’est-ce que la prospective ? »).

Depuis les années 2010, un champ nouveau émerge d’ailleurs : celui de la «  Littératie des futurs  », promu notamment par l’UNESCO, qui vise à travailler à développer la relation au futur d’un groupe humain, en intégrant ses cultures du futur.

Quelques démarches de prospective en libre accès à consulter

Cahiers de la prospective de CNP Assurances : « Familles, générations et liens sociaux d’ici à 2030 » (2021), « Risques émergents à horizon 2035. Aux frontières de l’assurabilité » (2022)

Colliers : élaboration de scénarios sur l’évolution des environnements de travail à l’horizon 2030 (2019), Édition 2021 Post-Covid-19 (2021)

Santé 2030 (2019)

Demain Bourges, trajectoires 2050 (2018)

VetFuturs 2030, l’avenir de la profession vétérinaire en France à l’horizon 2030 (2017-2018), rédaction d’un Livre bleu

Chasse, nature et société 2040 (2017-2019)

From Voices to Choices. Expanding Crisis-Affected People’s Influence over Aid Decisions: An Outlook to 2040 (2018)

Étude prospective Adour 2050 (2017-2018)

Prospective des réalités sahéliennes 2030 (2017)

Plateformisation 2027. Conséquences de l’ubérisation en santé et sécurité au travail, avec l’INRS (Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles) (2017)

Observatoire des enjeux géopolitiques de la démographie (2016-2018)

The Future of Aid INGOs in 2030 (2016-2017)

AFD 2025 (2016)

Action terrestre future (2016)

Culture et médias 2030 (2009) et Culture et médias 2020 (2011)