Fin novembre 2004 a été publié, en France, un rapport réalisé par Claude Bébéar à la demande du Premier ministre sur la discrimination dans les entreprises. En ressort notamment le constat d’une véritable discrimination à l’embauche des personnes étrangères ou d’origine étrangère en France et un appel à un changement profond dans les mentalités.
Michèle Tribalat, chercheur à l’INED et auteur d’une des dernières enquêtes disponibles dégageant des critères ethniques permettant de mieux appréhender, statistiquement, la réalité des discriminations en France (1992), fait ici le point sur la lutte contre les discriminations dans ce pays (à l’égard des minorités, des femmes, des handicapés…). Elle montre en particulier combien la France s’est cantonnée dans une approche » hyperjuridique » et globale de cette lutte, se contentant de la jurisprudence et d’une transposition (sans grand empressement) des directives européennes. Elle souligne ainsi le réel manque de volonté politique s’agissant de la mesure des discriminations : aucun outil statistique satisfaisant n’existe, pas même dans le domaine de l’emploi qui est sans doute celui où les enquêtes existantes permettraient, sans difficulté majeure, de réaliser des études chiffrées.
À l’inverse, les États-Unis – très actifs en matière de lutte contre les discriminations depuis les années 1960 – font preuve d’un grand pragmatisme qui leur permet de mesurer l’évolution en la matière. Michèle Tribalat nous présente, à titre d’exemple, la manière dont ils recueillent les informations relatives à l’emploi des minorités et des femmes dans les entreprises nationales, montrant comment cela pourrait être transposé en France. Simplement, au-delà des engouements périodiques pour la question, veut-on disposer en France de telles informations statistiques ? Est-on prêt à sortir de l’approche globale actuellement en vigueur et à agir de manière plus spécialisée (emploi, logement…) ?
La lutte contre les discriminations en France. L'apport de l'expérience américaine en matière d'emploi
Cet article fait partie de la revue Futuribles n° 304, jan. 2005