De nombreux auteurs s’accordent pour reconnaître que notre société se trouve désorientée, « en quête de sens ». Pire, nous dit Chantal Lebrun, elle s’enlise dans l’insensé parce que la société de consommation et l’État providence nous ont habitué à vivre dans un état de dépendance passive tel que nous attendons tout de l’extérieur.
Nous sommes, en quelque sorte, restés au stade de l’enfance, dans une situation de dépendance vis-à-vis d’un passé dépassé, dominé par la foi dans le progrès et la raison dont il convient de faire notre deuil. Le défi aujourd’hui n’est pas d’aller chercher des succédanés de sens dans une fuite en avant mais de devenir nous-mêmes sujets et de réhabiliter la notion de désir (il s’agit, dit-elle, « de passer de la dépendance du besoin à la liberté du désir ») qui nous confèrera la force d’être pleinement artisans du futur.
Faisons notre deuil du passé, cessons d’être tétanisés par l’incertitude du futur; prenons appui sur nos valeurs-ressources pour nous renouveler, concevoir un avenir désirable qui nous confèrera l’énergie nécessaire pour le construire à partir de trois ingrédients : les tendances lourdes, les valeurs et une part de rêve et de passion.
Prenant appui sur des concepts lacaniens, Chantal Lebrun se livre ici à une véritable psychanalyse de la société moderne, mieux encore, des individus qui la composent qu’elle invite à devenir pleinement acteurs (l’auteur parle de « sujets ») d’un futur désirable, ce qui exige du courage, de l’audace et de la détermination.
H.J.
Le sujet créateur du futur. De l'insensé au sens ou la naissance du sujet
Cet article fait partie de la revue Futuribles n° 235, oct. 1998