Le travail – et plus particulièrement l’emploi dans la sphère des activités monétarisées – constitue la pierre angulaire de toute notre organisation sociale, le déterminant principal du revenu (direct ou indirect) des Européens, mais aussi ce qui, en leur conférant un statut professionnel, leur assure une reconnaissance sociale.
Ainsi du moins en fut-il durant les « Trente Glorieuses » lorsque le plein emploi, salarié, à temps plein et à durée indéterminée, constituait la norme. Qu’en est-il aujourd’hui alors que ce modèle s’estompe sous le triple effet d’un sous-emploi massif, d’une précarisation croissante et d’une différenciation des situations et itinéraires professionnels des Européens ?
L’enquête Valeurs révèle (est-ce la contrepartie de sa rareté ?) que le travail demeure une valeur très importante, juste derrière la famille, loin devant les amis, les loisirs, la religion … Pis encore, que les Européens aspirent à un travail non seulement en raison du revenu qu’ils en tirent, mais aussi en raison de l’insertion sociale qu’il procure et du rôle que, pour sept Européens sur dix, il est supposé exercer dans l’épanouissement des individus.
Hélène Riffault, certes, souligne quelques différences entre pays et catégories socio-professionnelles mais, d’une manière générale, montre que les aspirations de nature qualitative (par exemple, le fait d’avoir un travail intéressant) augmentent plus rapidement – et parfois dépassent – les préoccupations de nature plus matérielle.
Les Européens seraient-ils donc en retard d’une révolution culturelle, espérant toujours davantage d’un emploi de moins en moins à même de les satisfaire ? Hélène Riffault ne le pense pas et estime au contraire que cette volonté des Européens de s’investir dans le travail peut être à l’origine d’un modèle nouveau, sinon de plein emploi, du moins de pleine activité.
Les Européens et la valeur travail
Cet article fait partie de la revue Futuribles n° 200, juil.-août 1995