L’entreprise n’a pas véritablement de statut juridique en France ; son statut est, le plus souvent, celui d’une société commerciale qui ne lui assigne qu’une seule finalité, celle de faire du profit au bénéfice de ses actionnaires. Ce phénomène résulte, explique Hubert Landier, de la préoccupation dominante accordée au XVIIIe siècle à la propriété et à la liberté du commerce, à l’existence à l’époque essentiellement de petits ateliers développés sur des bases familiales. Pourtant, l’entreprise représente une somme de compétences, de savoir-faire, de métiers développés grâce à ses collaborateurs (salariés ou non), prestataires, sous-traitants, clients, dont le rôle essentiel mérite considération. D’où l’essor de la responsabilité sociale de l’entreprise (RSE) et, plus récemment, du « dialogue social ».
Au travers du dialogue social, des progrès ont été accomplis, par exemple pour instaurer un meilleur équilibre entre actionnaires et salariés, voire une certaine éthique dans les relations entre parties prenantes. Mais cela ne suffit pas, surtout alors que les collaborateurs sont de plus en plus regardants sur leurs conditions de travail, que les clients sont de plus en plus vigilants vis-à-vis de la façon dont sont produits les biens et services, que l’entreprise se trouve interpellée quant à son impact sur l’environnement, qu’elle privilégie à l’excès le seul profit à court terme de ses actionnaires au détriment de toutes les autres considérations.
Une réforme de l’entreprise s’impose donc en France, dont il n’a plus guère été question depuis bien longtemps et alors même que la financiarisation a pris une importance dont nous avons vu les ravages en 2007-2008. Telle a été la raison du rapport commandé à Nicole Notat et Jean-Dominique Senard, et désormais du projet de loi PACTE (Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises) qui sera en principe examiné cet automne par le Parlement. Mais, rappelle ici Hubert Landier, « on ne change pas la société par décret » (Michel Crozier) ; ce sont les comportements qu’il s’agit de faire évoluer, notamment de ceux en charge de la gouvernance des entreprises et de tous ceux participant à l’œuvre collective. Il s’agit en vérité de passer d’une logique de création de valeur exclusivement actionnariale à une logique de création de valeur globale. Un vaste chantier !