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Thaïlande, une crise salutaire ?

Cet article fait partie de la revue Futuribles n° 229, mars 1998

L’Occident – la Banque mondiale en tête – a largement entretenu l’illusion d’un miracle thaïlandais (capitalisme triomphant et mythe de la bonne « gouvernance ») qui, en fait, reposait d’abord sur la dynamique des investissements étrangers qui, en retour, stimulaient les exportations et généraient un phénomène de surchauffe. La crise déclenchée au cours de l’été 1997 n’en était pas moins prévisible au moins pour trois raisons auxquelles les observateurs n’ont pas prêté une attention suffisante.
– Ils ont confondu la croissance et le développement, les succès commerciaux du pays occultant ses faiblesses industrielles et technologiques, l’absence de personnel qualifié, la composante spéculative alimentée par une importante corruption.
– Ils ont surestimé le processus de démocratisation en se laissant leurrer par les apparences : consultations électorales, multipartisme et alternance sans véritable changement de fond (notamment dans les classes moyennes), et sur la base d’alliances plus ou moins corrompues.
– Ils n’ont pas pris suffisamment conscience que la modernisation accélérée (frénésie de consommation, par exemple) remettait en cause les valeurs et comportements traditionnels sans laisser le temps à la société de s’adapter en profondeur.
Mais la crise, pour profonde qu’elle soit, pourrait bien s’avérer à long terme salutaire et permettre à la Thaïlande de rebondir en jouant sur trois leviers principaux, économique, politique et social :
– bénéficiant d’une excellente position en Asie, elle pourrait jouer un rôle pivot dans l’essor des échanges régionaux qui devraient être dopés par l’instauration, au sein de l’ASEAN, d’une zone de libre échange ;
– l’essor des structures industrielles, d’un entrepreneuriat local et d’une classe moyenne bénéficiant aujourd’hui d’un investissement éducatif important permettrait d’assurer au pays un dynamisme réel et de restaurer la confiance ;
– enfin, l’essor d’une véritable classe moyenne pour faire pression en faveur de réformes fondamentales au plan économique mais aussi socio-politique et parvenir à assainir une gestion publique jusqu’à présent très corrompue.
Le propos de Sophie Boisseau du Rocher et de Jean-Christophe Simon se veut délibérément rassurant. Ils soutiennent que, après une période de croissance artificielle, une véritable dynamique de développement et de démocratisation pourrait se développer certes à l’issue d’une période d’ajustement à court terme douloureuse.

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