Partant des données statistiques disponibles sur la fécondité, la nuptialité, la divortiabilité, la cohabitation …, Louis Roussel montre qu’il existe des différences sensibles entre les pays européens.
Dès lors que les comportements socio-démographiques, à l’exception de la mortalité, correspondent désormais à des stratégies délibérées, on pourrait logiquement penser qu’à cette cartographie des comportements corresponde une cartographie identique des valeurs. Or tel n’est pas le cas : les pays scandinaves faisant, par exemple, preuve d’une intransigeance inattendue quant aux règles du jeu de la vie en couple alors qu’ils ont été les premiers à transgresser les lois du mariage.
Mais prenant ensuite, sur une période plus longue, les mêmes indicateurs, l’auteur est amené à formuler l’hypothèse que les pays européens s’orienteraient vers un modèle unique, les divergences ne résultant que d’un simple décalage de calendrier.
Replongeant alors dans les enquêtes Valeurs pour explorer si une telle hypothèse est vraisemblable, Louis Roussel fait un premier constat : « les plus réticents dans la pratique sont parfois les plus aventureux dans les opinions… », « il est plus facile de se déclarer pour le changement que de s’y conformer publiquement ».
Le verbe est-il donc un substitut à l’agir ou bien l’expression de valeurs, une préfiguration des comportements de demain ? L’auteur, tout en montrant les différences entre pays et, en particulier, la spécificité des pays méditérranéens au regard des autres pays européens, opte pour une seconde interprétation : les opinions les plus « progressistes », exprimées par les pays où les comportements demeurent les plus traditionnels, présageraient alors de la convergence des modèles familiaux européens.
Mais, affirme Louis Roussel, on ne saurait conclure à une telle convergence des modèles familiaux sans tenir compte des sous-cultures fortement marquées, par exemple, par les traditions religeuses. Et si le modèle institutionnel s’effrite, la phase actuelle est instable et la famille de demain incertaine.
Vers une Europe des familles ?
Cet article fait partie de la revue Futuribles n° 200, juil.-août 1995