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Nous sommes tous des bébés-cyborgs : quelles implications légales ?

Deux spécialistes des questions juridiques affiliés au think-tank américain Brookings se sont penchés sur les questions légales posées par les relations machines-humains.

En juin dernier, la Cour suprême des Etats-Unis a jugé que l’omniprésence des smartphones en fait désormais « une caractéristique importante de l’anatomie humaine », interdisant ainsi à la police américaine d’examiner un téléphone portable sans mandat de perquisition. Les auteurs de l’article observent ainsi une gradation dans l’usage de ces équipements, de l’omniprésence des appareils à l’intégration physique (implants, dispositifs embarqués), qui pourrait aboutir à l’intégration cybernétique (assimilation des organismes vivants et des machines). La « cyborgisation » des humains est donc en marche : de « jeunes cyborgs » que nous sommes actuellement, nous deviendrons des « adolescents cyborgs » puis des « adultes cyborgs ».

Comment définir la relation homme-machine dans un contexte juridique ? Les auteurs évoquent les débats sociaux et légaux suivants.

La frontière est de plus en plus ténue et variable entre appareils de substitution aux fonctions humaines défectueuses ou manquantes (par exemple le pacemaker, appareil connecté d’assistance à la mobilité) et appareils d’augmentation de la performance humaine (EyeTap, Google Glass).

La frontière entre dispositifs internes (implants) et dispositifs externes est elle aussi brouillée par l’omniprésence, la connexion permanente et la dépendance à nos appareils (montres, téléphones…). Par exemple, les appareils d’assistance, de plus en plus connectés et sophistiqués, s’apparentent désormais davantage à des « prothèses interactives » qu’à des « objets séparés et inanimés ».

Dans ce nouveau contexte, le respect des droits des cyborgs doit être garanti selon les auteurs. Par exemple, des actes de discrimination ont été commis tels l’agression de Steve Mann, porteur d’un EyeTap, en 2012. En outre, les cyborgs sont générateurs de données très nombreuses, sensibles, et précises. Alors que l‘intégration homme-machine s’accentue, la relation homme-machine reste actuellement conçue dans la loi américaine comme un usage. La « doctrine de la tierce partie » considère ainsi qu’un utilisateur n’a pas de droits précis sur des données personnelles qu’il a consenties à un tiers fournisseur de service (banque, télécommunications…). Ainsi, les cinq premiers fabricants de pacemakers américains interdisent aux patients l’accès à leurs propres données…

Mais les droits des non-cyborgs doivent eux aussi être respectés. La modification corporelle peut en effet être imposée (cas de procureurs mexicains recevant des implants de puces RFID pour accéder à des informations classées). Les cyborgs, qui sont collecteurs de données, peuvent utiliser à tout moment les données personnelles d’autrui (photographie, reconnaissance faciale…) y compris à des fins purement récréatives (comme c’est le cas des usagers de la Google Glass).

Source : Wittes Benjamin et Chong Jane, « Our Cyborg Future: Law and Policy Implications », Brookings Center for Technology Innovation, septembre 2014, 28 p. URL : http://www.brookings.edu/~/media/Research/Files/Reports/2014/09/cyborg%20future%20law%20policy%20implications/cyborg_future_law_policy_implications_FINAL2.pdf

#Droit. Législation #Technologie
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