Les enquêtes prospectives : un levier important dans une démarche collective

De quoi parle-t-on ?

Dans le cadre d’une démarche de prospective, la phase de « construction du système prospectif », de recherche et documentation, et de mise en ordre d’une base d’analyse implique rarement les parties prenantes de la démarche. Les travaux sont le plus souvent réalisés au sein d’un groupe technique ou de travail.

Les parties prenantes ont pu être consultées dans la phase initiale de conception du travail « concevoir un projet de prospective », dans le cadre d’entretiens et / ou d’ateliers de travail, qui visent à délimiter la problématique, les paramètres du système étudié, comprendre leurs attentes vis-à-vis de la démarche.

Avant d’établir des scénarios ou de produire un document de synthèse, il est essentiel de pouvoir confronter et enrichir les principaux messages tirés des analyses réalisées. À double titre : d’une part pour valider, invalider, enrichir les analyses, et donc en accroître la robustesse et la pertinence ; d’autre part pour partager les travaux à l’échelle qui est celle des acteurs du changement, experts et parties prenantes. L’objectif ici est celui de l’appropriation progressive des analyses prospectives par ces acteurs.

Les enquêtes prospectives visent donc à mettre en débat les matériaux sous une forme adaptée : soit des hypothèses (ou des conjectures) portant sur l’avenir à l’horizon étudié, soit des messages de synthèse sur certaines évolutions ou transformations (souvent appelés « items »)

Exemple tiré de l’enquête Innovation santé 2025, réalisée par le Leem (Les Entreprises du médicament), l’INSERM (Institut national de la santé et de la recherche médicale) et leurs partenaires en 2010

Vetfuturs 2030, enquête prospective réalisée en 2019 sur l’avenir de la profession vétérinaire avec le Syndicat national des vétérinaires d’exercice libéral (SNVEL) et le Conseil national de l’ordre des vétérinaires (CNOV)

Une enquête prospective comprend quatre aspects clefs :

1.

La formulation des items à partir des travaux déjà réalisés (entretiens, fiches…).

2.

Le choix d’un panel de parties prenantes (experts, acteurs internes et / ou externes) en fonction de la finalité de la démarche. Ce panel peut comporter de quelques dizaines à plusieurs milliers de participants, et intégrer des critères de tri spécifiques (métier, organisation…).

3.

Le choix des techniques et échelles d’interrogation (probabilité ou vraisemblance des items, importance des items de changement, degré de préparation…), et le choix d’un outil de gestion notamment en ligne.

4.

L’exploitation des données et surtout leur valorisation : convergences et divergences d’analyses, compléments identifiés, controverses entre experts, acteurs. Les résultats d’une enquête prospective doivent pouvoir être accessibles (les réponses individuelles restant le plus souvent confidentielles).

Les résultats d’un processus d’enquête sont pluriels : création de repères prospectifs au sein du panel (et d’objets de discussion), organisation de séances de restitution avec approfondissements dans le cadre de séances ou groupes de travail ad hoc, publication des résultats de l’enquête. Attention, les résultats d’une enquête ne fournissent qu’un ensemble de représentations de l’avenir par le panel, et n’ont pas de valeur « statistique ». À ce titre, l’analyse des résultats doit autant porter sur les connaissances et compréhensions des participants que sur leur regard porté sur l’avenir en fonction de leur sociologie, ou sur leurs imaginaires. L’enquête est aussi utile pour identifier les lignes de fracture au sein d’une organisation.

Exemples d’enquêtes prospectives connues :

Sur quels types d’items portent les enquêtes ?

En fonction de la démarche, une enquête prospective peut porter sur plusieurs niveaux d’analyse entre prospective et stratégie, à savoir :

  •  Les grandes évolutions de l’environnement (tendances, ruptures)
  •  Les enjeux pour le sujet (risques, possibilité de pertes / gains, recomposition, nouvelles approches)
  •  Les leviers pour l’action ou les chantiers d’avenir.

Les trois aspects peuvent également être couverts. Dans ce cas, on s’attachera à bien différencier les temps de l’enquête et à adapter les critères de jugement (on ne demande pas la probabilité pour un chantier d’avenir, mais son importance ou son rôle moteur).

Les techniques

Parmi les techniques fréquemment utilisées en prospective, nous trouvons la méthode Delphi et ses évolutions (Real Time Delphi…) qui visent essentiellement à faire converger les analyses d’un panel d’experts pour produire une vision partagée ou centrale de l’avenir ; les méthodes des votes colorés et argumentés (du type abaque de Régnier), qui visent plutôt à faire ressortir les convergences et divergences de points de vue entre participants, et à approfondir un travail déjà réalisé. Enfin, un grand nombre d’outils d’enquête générique sont également utilisables.

Nous ne recommandons pas l’usage d’enquêtes prospectives détaillées en phase de lancement. En effet, si celles-ci sont fréquemment mises en œuvre dans le monde anglo-saxon notamment auprès d’experts, pour produire une vision de l’avenir, qui sera ensuite « disséminée » auprès des parties prenantes, nous considérons que l’avenir reste largement à construire et n’est pas objet de connaissance (il n’y a pas de statistiques de l’avenir).